La Glissière de châtaignier
Nathan Willerwal, à la croisée des problématiques artistiques et environnementales
Né le 2 avril 1995 à Annecy – ville dont il est diplômé de l’Ecole supérieure d’art –, Nathan Willerval illustre à l’envi la volonté de l’association ChépyTerra de soutenir la (très…) jeune création contemporaine en même temps qu’elle s’efforce de proposer toutes les esthétiques.
Et toutes les problématiques, serait-on tenté d’ajouter, tant Nathan se situe délibérément à la croisée des disciplines, des métiers, des conceptions et des réalisations.
Cela lui vient peut-être d’ « un père bricoleur » et d’une mère institutrice « qui n’a pas fait les Beaux-Arts, mais qui a ça dans le sang. Elle nous faisait beaucoup dessiner… », se souvient le jeune artiste. Sa grand-mère lui apprendra également à cultiver une attention toute particulière aux végétaux.
Un baccalauréat S en poche, Nathan prépare un diplôme universitaire de technologie (DUT) Science et Génie des matériaux – Arts appliqués au Bourget-du-Lac, la seule formation en France à marier les deux démarches. Ce qui lui permettra d’intégrer l’Ecole supérieure d’art Annecy Alpes (ESAAA) en deuxième année pour décrocher finalement son diplôme national supérieur d’expression plastique (DNSEP), un Master terrain.
S’il ne l’a pas directement comme professeur, Nathan Willerval tissera néanmoins des liens avec Jean-Patrice Rozand, pensionnaire du VIe Symposium en 2013, qui le recommandera à l’association ChépyTerra, plus que jamais soucieuse de faire communauté autour de quelques valeurs simples mais exigeantes d’éclectisme, d’émulation, de partage et de transmission.
La Glissière de châtaigner entre Land art et Arte povera
A l’intersection de « ma pratique du dehors (jardin, observation du vivant et questionnement sur le paysage) et [de] ma pratique d’atelier (structures et constructions, sculptures, artisanat » – pour reprendre les jolis mots de sa présentation à l’Espace d’art contemporain Le Point commun qui l’avait invité –, Nathan Willerval signe donc, pour ce XVIe Symposium, La Glissière de châtaigner.
« C’est la suite d’une sculpture pour laquelle j’ai prélevé un frêne souffrant de chalarose. Il était mort sur pied, dénudé de son écorce… Je l’ai coupé en tronçons avant de le restituer… », campe d’emblée l’artiste.
Le principe posé, restait à s’adapter « aux matières que j’ai trouvées sur place, ainsi qu’au timing du symposium. Au début, j’avais pensé à des acacias sur quelque chose d’un peu plus long… »
Ce fut donc du châtaigner, trouvé chez un scieur voisin. « J’avais laissé un part de flou dans mon projet, et la forme est arrivée sur place, au premier jour du symposium. J’ai vraiment fait avec le paysage et avec la matière ! »
Ce bois imputrescible, « je lui ai mis un peu de couleur, de façon à entrer en résonance avec les pigments des peintures de la Voûte céleste », la fresque du château classée monument historique datant du tout début du XVIIe siècle.
Histoire de travailler « la question du monochrome et du dégradé… »
A mi-chemin entre Arte povera et artisanat, La Glissière de châtaigner se fraie aujourd’hui un chemin près du verger de Saint Jean de Chépy, ultime œuvre du Chant des sculptures, explorant de nouvelles pistes pour un land art poétique…
Quand l’œuvre se fait paysage…
A la croisée des esthétiques comme des problématiques, Nathan Willerval multiplie les expériences en les élargissant à l’aune de passerelles qu’il veut « poétiques » et « déambulatoires ».
C’est ainsi que « le jardinage tient une grande place tient mon travail. » De la même façon, « je me suis très vite rapproché d’un ami menuisier. Quand il fermait à 17 heures, j’y allais jusqu’à 21 heures ! J’ai appris à travailler le bois parallèlement aux Beaux-Arts, où j’ai élaboré le projet de jardin de l’école… »
Sous la houlette d’Emmanuel Louisgrand, la création artistique se fait paysage et la pratique bienveillante avec « des œuvres qui se transforment dans le temps… »
Autre rencontre déterminante, celle du designer turinois Piero Gilardi dont le « Bienvenue le design povera ! » finira de forger ses convictions.
Si la « cause écologique » constitue « un postulat », c’est à travers « la flânerie et la cueillette » qu’elle s’exprime dans la mesure où « ce sont des questions importantes pour moi. »
En témoignent d’ailleurs son exposition Apis in articulo mortis dans la chapelle des Forges à Cran-Gevrier en 2022 et sa sculpture-jardin pour le 25e anniversaire de l’hôtel de luxe Les Trésoms à Annecy en 2023.