Bob Van der Auwera

De Chemin faisant en Urbanité pour attendre le troisième volet du triptyque…

Prémices d’un trio en devenir, ces deux sculptures-colonnes affirment des vides, offrent les divers caractères de leurs personnalités suivant les points de vue et les humeurs du temps, entremêlent dialogue intérieur, croisé avec ses « autres » et avec l’écrin d’une nature débordée.

Urbanité « tisse » plus spécifiquement des liens. Elle est cette partition d’une mélodie dont les notes se déchiffrent en silence, dont les silences sont les fondamentales qui arpentent le songe et le rendent audible.

Chemin faisant s’ouvre sur le paysage qu’elle habite, nous invitant au voyage d’un imaginaire dont la trajectoire évolue avec les éléments, jeu d’ombres et de lumières dans la clarté d’un ciel mouvant.

Urbanité – 2021 (217 x 47 x 47 cm) et Chemin faisant – 2023 (219 x 51 x 46 cm) – acier oxydé

Bob Van der Auwera : sculpter le vide pour parvenir au Tout

Nous ne reviendrons pas sur le parcours de Bob Van Der Auvera (BVDA). Il dit à lui seul la place qu’il occupe dans sa Belgique natale et bien au-delà, ainsi que dans le monde de la forme qu’il enrichit de son empreinte. Dans une vie d’amateur d’art, il est rare de rencontrer un artiste dont chaque pièce aspire le regard, dont la globalité de l’œuvre génère une émotion solide. Cela n’est pas si coutumier. Ce fut le cas lorsque je découvris le travail de BVDA. C’est ce que l’on appelle un coup de cœur.

La richesse du propos est telle que l’on risque de s’y perdre.

Si le brou de noix ou le papier kraft exultaient de couleurs fauves, ses primes créations graphiques, ses sculptures en acier et, par transfert, ses monotypes en coton, papier ou plâtre oxydés, se parent aujourd’hui de l’outrage bienveillant de la rouille qui fait trace. L’oxydation les habille d’une chaleur ardente tout en leur conférant la densité du métal. Paradoxalement, à la froideur légendaire de l’acier, le velouté du grain que le temps fait naître maquille et participe du magnétisme ainsi engendré.

Mais, ne nous y trompons pas. Si, de ce vécu de la matière et sa rigueur métallurgique naît la beauté, métaphore de la force qui sourd des failles, le grand œuvre de l’artiste ne réside pas là.

Car il faut atteindre les profondeurs. Comme le méditant vient au vide des tréfonds pour parvenir au « Tout », en pèlerin habité, BVDA s’empare pleinement de ce vide comme matière à sculpter.

Toute sa création procède de ce paradigme. Avec la précision d’un chirurgien, il définit son champ, une parcelle d’espace. Elle se veut fenêtre sur « Tout », passerelle de l’infini ! Comme les objets n’apparaissent à notre rétine que par la lumière qui les reflète, l’espace, lui, s’incarne, ne devenant matérialité palpable que par la forme qui le révèle et en souligne les contours.

BVDA sculpte le vide. Il le découpe, le fragmente, le balise, l’interroge, l’emprisonne parfois et le conjugue en plans et en volumes, lui donne mille locutions suivant le point de vue d’où l’on se place…

Oui, mais il le fait au cube ou au carré ! La courbe, rare chez lui, n’est que quadrature du cercle. Si le droit chemin des lignes et les angles qui l’accompagnent sont signature de l’artiste, c’est bien par sa poétique de l’oblique, des polyèdres qui en résultent et l’art du décalage qu’il nous fait une offrande lyrique.

C’est là que réside l’esthétique de BVDA, son nombre d’or. A-t-il seulement conscience de la puissance qui s’en dégage ? Ainsi, de ce chemin de traverse, l’art concret prend-il corps, sa géométrie passe-t-elle à l’acte, le vide se sacralise-t-il, et, paradoxalement, le regardant, le plein gonfle-t-il nos cœurs.

« Celui qui accepte son vide peut remplir sa vie », nous dit la romancière Catherine Enjolet